Les politiques socialistes de la neurodiversité

This is the French text of Janine’s talk in Paris on 24 July. You can see the English version in this video.

Originally posted by CLE Autistes, with other speeches at the event, here.


Janine Booth : les politiques socialistes de la neurodiversité, l’exemple du manifeste de la neurodiversité du Labour Party

Note du traducteur : le terme « impairment » est traduit par « empêchement », tandis que « disability » est traduit par « handicap »

(Sara est beaucoup plus calée en technique que moi)

(Est-ce que je commence maintenant?)

Bonjour, je m’appelle Janine Booth, j’habite à Londres.

Qu’est-ce que je peux dire sur moi? J’ai 52 ans, je me suis rendue compte que j’étais autiste à 45 ans, après avoir appris sur le sujet en ayant à ce moment-là un enfant autiste. Et je suis socialiste et syndicaliste. Et parce que je suis syndicaliste, quand j’ai découvert que j’étais autiste je me suis mise à former les représentants syndicaux sur l’autisme et ensuite plus largement sur la neurodiversité. Et dans les dernières années j’ai littéralement formé des centaines de représentants syndicaux pour se battre pour des lieux de travail plus adaptés à l’autisme et à la neurodiversité.

(Je suis aussi très ménopausée donc j’ai du mal avec cette chaleur)

Mais certains des changements dont nous avons besoin dans la société doivent venir du niveau du gouvernement, de la politique publique. Alors en tant que membre du Parti travailliste (Labour), j’ai travaillé avec d’autres membres du Parti travailliste, autistes ou neurodivergents, avec le soutien de John McDonnell, qui est ministre fantôme (d’opposition) des Finances, pour développer un Manifeste de l’autisme et de la neurodiversité : https://neurodiversitymanifesto.com/

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Tract du manifeste de la neurodiversité pour le Labour, à lire sur : https://neurodiversitymanifesto.com/

Je pense que j’ai donné un de ces tracts à la plupart d’entre vous, qui en dit un peu plus sur le Manifeste. Vous pouvez consulter le document complet en ligne. Ce que je vais faire maintenant c’est vous guider et expliquer les principes clé et les principales propositions du Manifeste.

[05:02] Il est basé sur 5 principes fondamentaux. Le premier est le modèle social du handicap. Dans le cadre du modèle vieillot, médical du handicap, on verrait l’autisme comme quelque chose qui ne va pas chez vous, et vos problèmes comme venant de ce truc autiste qui ne va pas chez vous. Tandis que, dans le modèle social, on dirait que l’autisme est votre condition, votre neurotype, et cela peut ou non être un empêchement. Chez des personnes différentes, l’autisme est différent.

Et le handicap, c’est les barrières que la société met en travers de la route de quelqu’un qui a une affection ou un empêchement. Les personnes autistes sont handicapées, mais sont handicapées par la société, et pas nécessairement par notre autisme. Et même lorsque c’est par notre autisme, c’est par notre autisme combiné à l’environnement dans lequel nous sommes.

Notre deuxième principe fondamental est l’approche de la neurodiversité, qui est l’acceptation du fait que l’espèce humaine est neurologiquement diverse, qu’elle comporte des individus avec des câblages du cerveau différents, des structures cérébrales différentes. Les neurologies minoritaires incluent l’autisme, mais aussi la dyslexie, la dyspraxie et diverses autres affections. Mais comme on parle d’autisme aujourd’hui, j’expliquerai le Manifeste en termes d’autisme.

Le troisième principe fondamental est l’opposition à l’austérité. Depuis la crise économique qui a commencé il y a 11 ans, les gouvernements on fait payer la classe ouvrière pour le bazar laissé par le système capitaliste. Et ces coupes budgétaires ont eu impact disproportionné sur celles et ceux qui étaient déjà dans le besoin. Par exemple au Royaume-Uni, on est maintenant dans un état de crise avec un manque total de financement pour les besoins spécifiques dans l’éducation des personnes handicapées. Ce qui veut dire que les enfants autistes sont en train de perdre le peu de soutien dont ils disposaient avant.

Un quatrième principe fondamental est: socialisme, démocratie et solidarité (oui, ça fait 3 principes). Notre Manifeste n’est pas un manifeste pour n’importe quel parti politique, c’est totalement un manifeste socialiste, de gauche, pour le parti travailliste.

[11:13] Et le cinquième principe fondamental est « Rien sur nous sans nous ». C’est depuis de nombreuses années un slogan important dans le mouvement des personnes handicapées. Et les personnes autistes, on voit qu’on dit un sacré tas de choses sur nous, mais que quand il s’agit d’écouter les personnes autistes, il se passe beaucoup moins de choses.

Donc voilà les cinq principes fondamentaux du Manifeste. Le Manifeste ensuite parle de la situation à laquelle font face les personnes autistes et neurodivergentes dans la société actuelle.

Il manque 9 minutes de vidéo, cela peut être illustré par le film « Moi Daniel Blake » où des consultants privés assurent le contrôle du chômage et des aides sociales : 
[Dans la partie qui manque, Janine explique les différentes propositions du manifeste, notamment la discrimination, légale, qui peut exister dans le volontariat dans des associations non lucratives, ou les conséquences désastreuses de l’Évaluation des Capacités de Travail dans le système de chômage britannique, qu’elle veut remplacer par une évaluations des employeurs et de l’accessibilité de leurs postes aux personnes autistes]

Notre Manifeste propose de revoir le système judiciaire pour devenir plus accessible et plus juste, pour les personnes autistes qui se retrouvent dans ce système, que ce soit pour un crime ou toute situation dans laquelle iels se seraient retrouvé·e·s.

Et notre Manifeste renforcera la loi de plusieurs autres façons. En Grande-Bretagne, la loi sur l’égalité est structurée de sorte qu’il est illégal de discriminer qui que ce soit sur la base d’un ou plusieurs de 9 critères de protection, que sont le sexe, l’origine ethnique, le handicap, etc. Mais une partie du problème pour les personnes autistes est qu’on ne rentre pas forcément dans la définition du handicap selon cette loi, parce que cette définition est basée sur le modèle médical. Donc notre Manifeste propose de faire de la condition neurologique un critère protecteur avec les mêmes droits et les mêmes protections juridiques que le handicap.

Et il y a plein d’autres propositions dans notre Manifeste.

[03:12] Alors pour résumer, on parle beaucoup de notre expérience de la discrimination, des désavantages, de l’expérience autiste dans une société hostile, et cette discussion est très importante. Mais c’est aussi important d’identifier des propositions spécifiques, concrètes qu’on attend du gouvernement pour améliorer nos vies.

Et c’est ce qu’on essaie de faire avec ce Manifeste, il a été élaboré par une équipe d’environ 20 personnes neurodivergentes, avec des affections neurodivergentes diverses, des idées différentes, des origines ethniques différentes, de différentes régions du Royaume-Uni. Et on a également consulté très largement autour du mouvement travailliste, du mouvement syndical, et parmi les personnes autistes et neurodivergentes, dont beaucoup ont apporté leur contribution à ce que dit le Manifeste.

Maintenant, ce qu’il faut c’est se battre pour le mettre en application, ce qui veut dire, d’abord élire un gouvernement travailliste, et ensuite, élire un gouvernement travailliste qui s’engage à appliquer ces propositions. Nous avons le soutien de la direction du parti travailliste et de beaucoup de sections locales de la base du Parti travailliste.

Mais pour qu’on puisse continuer à s’organiser pour ça, pour s’organiser pour le développer, et pour lutter contre la discrimination, pour attirer plus d’autistes et autres personnes neurodivergentes dans l’activité politique du mouvement travailliste, on est en train de créer une nouvelle organisation, le « Labour neurodivergent », qui rassemblera les membres du Parti travailliste qui sont autiste, dyslexiques, dyspraxiques ou autres neurodivergents et renforcera la lutte pour l’émancipation et le socialisme.

Merci.

Questions :

[08:10]

J’ai deux ou trois questions et remarques: les partis politiques français sont assez en retard dans l’intégration du principe « Rien sur nous sans nous », on peut trouver des sujets dans lesquels c’est le cas, comme le féminisme ou peut-être les questions LGBT, mais la neurodiversité est essentiellement absente des partis politiques de gauche en France.

Et assez souvent ils traiteront le sujet sous l’angle du modèle médical, par exemple une conséquence est que quand la France applique l’austérité aux écoles et au système médical comme c’est le cas en Grande-Bretagne, la conséquence habituelle est que les parents, au lieu de vouloir une meilleure adaptation dans les écoles vont chercher une place pour leur enfant dans une institution médicale, parce qu’on a des classes surchargées etc.

Une autre question que j’ai, c’est: est-ce que vous avez une sorte de Manifeste pour la place de la neurodiversité dans les organisations militantes? Dans les partis politiques, les syndicats, etc. En France il y a quelques partis politiques de gauche, l’un d’eux a un petit groupe sur la neurodiversité mais la plupart n’ont rien ou n’ont pas atteint la masse critique pour l’avoir. Est-ce que vous avez un peu de recul sur la façon de faire dans les partis politiques?

[11:15]

Ok, je vais répondre à l’envers.

Rendre le Parti plus accessible, une sorte de Manifeste interne, si on veut, ne fait pas partie de ce Manifeste, mais c’est quelque chose sur lequel le « Labour neurodivergent » travaillera. On veut arriver à une situation dans laquelle par exemple, les organisations du Parti travailliste produiront toutes leurs publications avec des polices de caractères adaptées à la dyslexie, où chaque conférence, ou autre événement aura une salle de repos, où le stimming est accepté dans les réunions, et surtout que plus personne ne soit brimé ou exclu parce qu’iel est bizarre ou différent.

La question précédente était sur les écoles et les parents qui veulent mettre les enfants autistes dans les institutions médicales plutôt qu’à l’école. Alors voilà: si l’école n’est pas adaptée à un enfant autiste, le modèle médical vous dira que quelque chose ne va pas chez votre enfant autiste. Le modèle social nous dit que quelque chose ne va pas dans l’école. Donc grâce aux propositions faites dans le Manifeste, les écoles deviendraient plus accessibles, avec des classes plus petites, moins de surcharge sensorielle, des méthodes pédagogiques différentes etc. Et devinez quoi? Ça rendra les écoles plus agréables pour tous les enfants et pas juste pour les enfants autistes.

[14:49] Et la première partie de la question était à propos des partis politiques et de l’adoption du principe « Rien sur nous sans nous ». Honnêtement je ne peux pas, et ne veux pas parler du Parti conservateur ou des Partis libéraux ou les partis comme ça, je parlerai uniquement du Parti travailliste. Et je pense que le mouvement travailliste doit apprendre de sa propre histoire. Le Parti travailliste en Grande-Bretagne a été fondé, il y a à peine plus de 100 ans, parce que les militants de la classe ouvrière ont réalisé que le choix entre Conservateurs et Libéraux était un non-choix. Il a été fondé sur le principe de l’indépendance de la représentation de la classe ouvrière, que la classe ouvrière doit être représentée par elle-même et non demander à quelqu’un de le faire à notre place. On peut appliquer ce même principe à des segments dans la classe ouvrière, qu’il s’agisse des minorités Noires et ethniques […]


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